Argentia Mist

Argentia Mist Braque de Weimar

Braque de Weimar

A bout de souffle

A bout de souffle

CH. Roméo (2000-2011) par Jean Michel Labat


Ce moment là, il y a longtemps que je l’ai redouté, pour une fois, les mots ne viennent pas mais se bousculent et s’emmêlent sur mon clavier, comment le dire ? Comment le dire sans trop d’affectation, sans exagération, sans indécence, comment être sobre et trouver les mots justes pour écrire que j’ai perdu un ami…


Un bout de vie durant, on a marché ensemble dans une même direction, ton regard posé sur moi et le mien noyé dans l’ambre du tien, sans mot on s’est souvent compris, sans mot tu m’as souvent rendu le sourire, sans mot, tu m’a fait pleurer un dimanche de mars : premier malaise, arythmie, extrasystoles, bloc auriculo-ventriculaire, dilatation du myocarde, début d'œdème pulmonaire…Insuffisance cardiaque décompensée, c’est tout le paradoxe d’être soi même médecin, on sait, alors qu’on voudrait parfois avoir le droit d’espérer et de ne rien comprendre à la violence de tous ces termes.


Ce jour là, on t’a sauvé la vie, les mois d’après on s’est battus tous les deux contre la maladie malgré ceux qui n’y croyaient pas. On a gagné des moments de vie de qualité, on a flâné à ton rythme le long de la rivière, on s’est souvent assis tous les deux pour regarder sur l’eau les derniers soubresauts des libellules prises au piège des poissons carnassiers. Ces soirs là, j’avais du mal à imaginer qu'un jour tu ne puisses plus être là, tu n’es plus là. Je me suis souvent accrochée à des petits mieux qui ont jalonné ta maladie que je savais sans issue, c’est fou comme ces petites victoires m’ont fait du bien, c’est fou comme la vie et l’espoir sont inséparables et puis…mardi dernier, tu as baissé la garde, j'ai compris que tu rendais les armes, je me suis dit que ce n’était pas possible, que je ne pouvais pas te laisser partir… puis, je me suis assise face à toi, je t’ai vu à bout de souffle, épuisé et pourtant si beau, ton regard qui n’a jamais vieilli m’a fait comprendre que nous étions tous les 2 exténués par ce combat sans issue et qu'il arrive un moment où il faut savoir lâcher prise…



Vendredi, tu t’es endormi dans mes bras pour rejoindre Alaska…tous les deux, vous m’avez laissée KO…


Christine